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NARRATION INTERACTIVE ET HYBRIDATION DES MEDIA

Plan de l'article
- First Page
- Nomad Soul : le bilan
- Narration interactive et hybridation des media
- Goûts de joueur et de game designer
- Le jeu online
- Fahrenheit
- Visions du futur


Est-ce que tu considères le jeu vidéo comme un art ?

Vaste question ! Je dirais que c'est un art en devenir. Aujourd'hui c'est un art mineur. J'ai l'espoir qu'un jour cela devienne un art à part entière. Je crois beaucoup dans l'avenir de la narration interactive. Je pense qu'on pourra un jour raconter des histoires interactives qui pourront prétendre à être au moins un moyen d'expression si ce n'est un art. C'est vers ça qu'on a essayé de tendre avec Nomad Soul.Beaucoup de gens pensent que ce que l'auteur donne au joueur au niveau narration, il lui enlčve au niveau interactivité...

Beaucoup de gens pensent que ce que l'auteur donne au joueur au niveau narration, il lui enlève au niveau interactivité...

Je ne partage pas cet avis. Il ne faut pas oublier que raconter des histoires est la plus vieille activité humaine. Cela a commencé dans les cavernes. On l'a fait avec des livres, des films, et maintenant on peut le faire sur des ordinateurs. Ce serait une erreur de ne pas saisir cette opportunité. Je pense que la narration interactive existe, qu'elle peut être fun et ludique, et qu'elle peut permettre l'expression d'idées ou de points de vue de la part du "réalisateur". Mais cela demande beaucoup de travail, et cela exige de mettre en place beaucoup de règles, de solutions. C'est vrai que cela soulève énormément de problèmes, mais c'est possible. C'est à la fois difficile et intéressant, puisqu'on est sur un territoire vierge où il y a tout à inventer. On a posé pas mal de jalons dans Nomad Soul, et je crois qu'on a trouvé des solutions intéressantes pour raconter une histoire sans enfermer le joueur. Dans Nomad Soul tu incarnes un personnage qui a une vie, une histoire et un certain nombre de tâches à faire, dont tu ne perds jamais la trace grâce à des repères clairs. Mais tu peux décider de sortir des rails, d'aller boire un verre dans un bar, d'acheter un livre dans une librairie, d'aller voir des strip-teaseuses dans le quartier chaud... Le joueur peut vivre d'autres histoires : il y a quelques petites quêtes parallèles qui ne sont pas reliées à la trame principale. C'est une des réponses possibles à ce type de problème.

Tu parles d'événements qui n'influencent pas vraiment le cours du jeu...

Dans Nomad Soul, il y a aussi des choses que tu peux faire de différentes manières, ce qui est une des définitions possibles de l'interactivité. A un moment, tu as un problème x, et tu peux le résoudre de plusieurs façons. Il y a beaucoup de solutions possibles. Cela fait maintenant plus de quatre ans qu'on se pose ce genre de problèmes, donc on a un certain nombre de réponses qu'on met en oeuvre ou qu'on mettra en oeuvre dans le futur.

Est-ce qu'il y a des jeux qui t'impressionnent du point de vue narration interactive ?

Day of the tentacle. Je trouve l'idée absolument géniale. Tu peux voyager dans le temps et incarner trois personnages à des époques différentes. C'était vraiment intelligemment fait. Je ne vois pas d'autres jeux. On nous a souvent comparé à Outcast. Ce jeu a utilisé une approche qui est très valable, probablement plus proche de Zelda, avec beaucoup de mini-quêtes et des objets à donner aux personnages. On n'a pas suivi cette voie, parce qu'il est très difficile d'avoir une réelle construction, une réelle narration cinématographique sur ce type de schéma. Il n'y a pas beaucoup de jeux qui s'aventurent sur ce terrain de la narration interactive.

The Nomad Soul

Il faut dire que le jeu d'aventure n'est pas un genre qui est actuellement très en vogue, à tort car je pense que c'est un style qui a de l'avenir s'il est traité d'une certaine manière. Je crois que l'industrie du jeu a été très refroidie par les LucasArts, qui sont des jeux que j'adore -que ce soient les Monkey Island, les Indiana Jones ou les Sam et Max- mais qui reposent beaucoup sur des énigmes du style "Je combine le fer à repasser avec la confiture et j'obtiens une guitare électrique". C'est vrai qu'ils ont un peu tiré sur la corde de ce côté-là. Du coup on en subit un peu les conséquences, et beaucoup de gens dans l'industrie regardent les choses superficiellement et se disent "Le jeu d'aventure c'est ça, donc ce n'est pas intéressant". Pourtant c'est un genre qui a un énorme potentiel, mais il faut qu'il soit traité comme du cinéma grand spectacle -avec des moyens, de la narration, de la 3D temps réel, du fun, de l'immersion-, plutôt que comme des mini-puzzles de combinaisons d'objets. Il faut aussi qu'on sorte du jeu d'aventure lourd, long et ennuyeux. Il ne faut plus créer des softs où il faut se taper des annuaires avant de pouvoir jouer, où il faut assimiler trois tonnes de choses, avec cinquante boutons sur le clavier... Le jeu d'aventure peut être simple et fun.

Quand tu as conçu Nomad Soul, avais-tu l'intention de faire passer un message ?

Je ne souhaitais pas faire passer un message à proprement parler. Je ne voulais pas alourdir le jeu en essayant de délivrer des messages à l'humanité. Cela dit, il y a des éléments dans la toile de fond de Nomad Soul qui expriment certaines de mes idées : la manipulation des masses par les médias (voir les publicités du transcan), l'hypocrisie des prédicateurs américains, la description d'une société endormie contrôlée par quelques puissants, sont quelques exemples plus particulièrement inspirés par la société américaine. D'autres messages plus philosophiques ou spirituels sont glissés dans le scénario de Nomad Soul.

Selon toi, qu'est-ce que des artistes venant de la musique et du cinéma peuvent apporter aux jeux vidéo ?

Ils peuvent apporter beaucoup de choses, à condition qu'ils ne soient pas à la tête du projet. L'interactivité, c'est une autre façon de penser par rapport aux média linéaires comme le cinéma, la télévision ou la littérature. Les artistes venant du cinéma ont notamment énormément à apporter, parce qu'ils ont une culture visuelle depuis plus de cent ans qu'on n'a pas encore dans les jeux vidéo. Maintenant, je pense que les jeux vidéo aussi ont apporté à ces média-là, et on voit aujourd'hui des films et des publicités qui s'inspirent beaucoup du visuel des jeux. Il y a eu une époque où le jeu vidéo pompait honteusement sur le cinéma, mais on est un peu en train d'en sortir en assimilant et en enrichissant ces influences, et en renvoyant l'ascenseur. Je crois qu'on va plutôt dans la bonne direction.

Je suppose que tes goûts en cinéma influencent ta conception du jeu vidéo...

Bien sûr. Pendant le conception de Nomad Soul j'avais certains films à l'esprit : Dune -je fais partie des quelques-uns qui ont aimé le film-, évidemment Blade Runner, Alien, Brazil... Tous les classiques.

Et en musique... Bowie je suppose (rires) ?

Non en fait, je n'avais pas Bowie en tête. Mais quand on en a discuté avec Eidos, et qu'on a fait une liste des gens qui pouvaient s'associer au projet, c'est vrai que Bowie collait particulièrement bien à l'univers et au concept de la réincarnation virtuelle -c'est quelqu'un qui a beaucoup joué avec son identité et son apparence. Donc quand on l'a rencontré, c'était évidemment la personne qu'il fallait. Bowie est très curieux, il a eu une très longue carrière, et selon moi il n'a jamais été has been. Il a vécu des choses, il a vu des choses, et cela se sent dans son physique, dans sa voix, dans sa personnalité.

NARRATIONSaturday, September 01, 2001
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