OverGame: Tribune David Cage : Une histoire d'émotions
En réaction aux propos des responsables du studio Bioware qui voient bientôt l'avènement du jeu vidéo à histoires pour public adulte laissant tomber l'inutile violence, le créateur du prochain Heavy Rain confirme, à chaud, participer au même combat pacifique depuis des années.
Prenant une petite pause sur le développement en cours de la béta de Heavy Rain, David Cage a bien voulu réagir à chaud aux propos des deux fondateurs du studio Bioware décortiqués ici. Le directeur créatif du studio français Quantic Dream à qui l'on doit les jeux d'aventure les plus singuliers et matures de ces dernières années avec Nomad Soul, Fahrenheit et Heavy Rain à découvrir avant la fin de l'année, confirme une convergence de vue avec Bioware dont il se réjouit après avoir mené depuis des années un combat pour expliquer, tout en la cherchant, sa vision de la maturité du jeu vidéo. Rappelons au moins 2 faits notables dans le travail de David Cage, associés à son premier jeu Nomad Soul sorti en 2000 : avoir réussi à faire participer David Bowie (musique et apparition modélisée dans le jeu) et avoir créé une scène de rapports amoureux, "de tendresse" dit-il pudiquement, entre 2 personnages… Deux exemples de maturité encore à suivre.
"Je suis évidemment totalement en phase avec les déclarations de Ray Muzyka et Greg Zeschuk. C'est une analyse que j'ai faite à la fin de Nomad Soul (en toute humilité…) en constatant que mes parents et beaucoup de gens autour de moi pouvaient apprécier les mêmes livres, les mêmes films, les mêmes émissions de télévision que moi, mais n'avaient strictement aucun intérêt pour les jeux vidéo en général. Les raisons invoquées par tous les adultes qui ne jouent pas étaient souvent les mêmes : « Je n'ai pas le temps, c'est trop compliqué, je n'y comprend rien, ça ne m'intéresse pas ». J'ai alors cherché à comprendre qu'est-ce qui faisait que les jeux n'intéressaient que les gens de ma génération (et encore pas tous), et qu'est-ce qu'il était possible de faire pour étendre notre public traditionnel. Je suis arrivé à la même conclusion que mes confrères de Bioware : la narration et l'émotion sont les seules réponses valables, tout simplement parce que quand on vieillit, on n'a plus envie de jouer aux mêmes jeux que quand on est adolescent. On n'aime plus les mêmes livres, les mêmes films, nos goûts changent et évoluent (enfin normalement…), mais les jeux vidéo eux ne changent pas, d'où la rupture. Passer des heures à bastonner des trolls avant de franchir le niveau suivant pour bastonner plus de trolls n'est pas une expérience satisfaisante pour un grand nombre d'adultes, qui sont le plus souvent en quête d'un peu plus de sens et d'émotion.
Deux choses me surprennent particulièrement dans les déclarations de Bioware : la première est qu'ils semblent prêts à une rupture avec leur public traditionnel de hardcore gamers. C'est une décision qui est extrêmement difficile à prendre parce qu'en terme de marché, on sait ce qu'on perd (dans leur cas, un public très nombreux de gamers avides de leurs jeux)* mais on ne sait pas ce qu'on gagne (conquérir un nouveau public est toujours un immense challenge).
La deuxième chose qui m'interpelle est le fait que la plupart des jeux reposent sur des mécaniques répétitives (tirer, sauter, courir, se cacher, etc.). C'est une structure particulièrement pratique en terme de design parce que c'est une typologie d'actions qui commence à être très bien connue (voilà vingt ans que l'industrie produit des jeux basés sur ces principes…). Si on souhaite abandonner les "batailles", il va falloir trouver de nouvelles manières d'interagir qui ne soient pas basées sur la violence.
Même constat pour raconter une histoire : difficile de développer un scénario sur la base uniquement de coups de hache et de démembrement. Une histoire demande une grande variété d'actions contextuelles, et donc une nouvelle approche de l'interface et des mécanismes de jeux. C'est une rupture particulièrement importante pour une société comme Bioware qui a établi sa réputation et sa réussite sur ces bases, et encore une fois, je trouve leur déclaration particulièrement audacieuse.
Comme ce sont des valeurs que je défends (avec parfois un certain sentiment de solitude, je dois l'avouer…) depuis quelques années maintenant, je suis heureux d'être rejoint sur ce terrain par des développeurs de cette valeur. Avec Fahrenheit et maintenant Heavy Rain, c'est une voie sur laquelle je me suis déjà résolument engagé depuis plusieurs années sur la base de la même analyse que fait aujourd'hui Bioware. J'espère que Heavy Rain démontrera de manière claire qu'il est possible de créer des jeux différemment, basés sur la narration et l'émotion à destination d'un public adulte, et qu'il contribuera à donner envie à d'autres studios de franchir le pas. Ils le feront probablement d'une manière très différente de la nôtre et c'est tant mieux. Le plus important est de sortir de la préadolescence dans laquelle notre industrie s'est enfermée et de commencer à explorer de nouvelles voies vers un média plus mature et créativement plus ambitieux." David Cage
Autor: Francois BLISS DE LA BOISSIERE
Source: Overgame.com
Language:
Labels: David Cage, interview
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